Et oui, comme toi, tu as décidé de pas nous raconter le caractère et tout pleins de truc chiant à remplir, t'as le privilège de nous faire une belle et grande fiche pour son histoire ! Raconte nous tout ici en une quarantaine de lignes minimum. Saint-Denis, avril 1996
Assise à table, Jean-Baptiste et moi faisions nos devoirs quand on vint sonner à la porte.
« Je vais ouvrir. », criai-je en me levant pour me précipiter vers la porte de notre appartement. J'ouvris la porte et souris quand je vis Soraya, une de mes meilleures amies dans l'immeuble.
« Soraya ! Qu'est-ce qui a ? » La petite me sourit.
« Tu peux venir jouer ? » Je fis une moue déçue.
« Je ne peux pas. Je fais mes devoirs, mais je peux venir te chercher quand j'ai fini. » Elle fut déçue, mais son sourire se raviva de suite.
« Ok. Je t'attends alors. » Je lui fis un petit signe de la main qu'elle me rendit et fermai la porte. Maman m'avait entendue. Elle me sourit et vint vérifier que ce je faisais était bon. Contrairement à ce que tout le monde pense, nous n'avions de bourgeois que le nom de famille et les prénoms. Notre père, Archibald De Montlau, avait laissé tomber sa compagne quand celle-ci s'était retrouvée enceinte de jumeaux. Il ne voulait qu'un fils, un seul et unique héritier. Voilà ce qui l'a poussé à nous abandonner et à ne donner à ma mère qu'un peu d'argent pour pouvoir s'acheter un appartement. C’est comme cela qu’avec nos noms pompeux nous avons débarqué à Saint-Denis après neuf mois dans le ventre de maman et un mois dans une couveuse de l’hôpital. Nous n’étions pas les seuls blancs de l’immeuble, mais il n’y en avait pas beaucoup. Ca ne nous dérangeait pas nous, mais maman qui avait l’habitude du luxe et des soirées mondaines n’était pas très alaise pour une soirée couscous avec nos voisins algériens. Avec le temps, ça s’est arrangé et elle se complait très bien dans sa vie actuelle. Elle nous dit souvent qu’elle est bien mieux maintenant qu’avec papa. En parlant de lui, on ne l’a jamais revu. On a beau porter son nom, il n’est pas notre père. On n’a pas de papa et c’est mieux ainsi. C’est vrai qu’à 10 ans, on devrait être contente de pouvoir faire des câlins à cet homme qui est à l’origine de notre vie, dire « mon papa, c’est le plus beau » à qui voudrait bien l’entendre, mais moi, j’ai toujours vécu sans cette présence masculine donc ça ne me fait rien de dire ça.
Paris, décembre 2002
En cette période de Noël, Paris était la plus belle ville du monde. Maman m'avait autorisé à aller faire un tour dans la capitale avec mes amies. Nous nous promenions sur les Champs-Elysées, admirant ce que nous ne pourrions jamais nous offrir quand un groupe de garçons nous arrêta. Je m'éloignai un peu des filles, les laissant se faire draguer par leurs nouveaux amis et avançai de quelques mètres. Ce n'est pas que je n'avais pas envie de me faire draguer, mais eux, ils n'étaient vraiment pas mon genre et puis, j'avais déjà un copain alors pourquoi écouter les sornettes des autres. Alors que j'admirai la devanture de chez Givenchy, l'un des garçons du groupe s'approcha.
« Je trouve que cette robe t'irait parfaitement bien. », dit-il. Je sursautai et regardai la robe dont il parlait.
« Je ne pense pas. » Je me retournai avant de continuer.
« Contrairement à mes copines, j'ai déjà un petit ami alors si c'est pour me draguer, tu n'as aucune chance. » Il ne se défit pas de son sourire.
« Oh, ne t'inquiète pas. Moi aussi, j'ai une copine. Au fait, je m'appelle Guillaume. » Je rougis, honteuse de ce que je venais de lui dire.
« Excuse-moi de t'avoir accusé alors. Enchanté, moi, c'est Joséphine, mais tout le monde m'appelle Josy ou Jo. » Nous passâmes l'après-midi avec le groupe de garçons. Plus l'heure avançait, plus je m'attachais à Guillaume. Nous avions beaucoup de points communs et les sujets de discussion ne manquaient pas. Au moment de partir, je lui laissai mon numéro de téléphone et lui dit de m'appeler s'il voulait continuer à discuter. Nous avions tous les deux 15 ans, le temps de l'insouciance et des premiers amours. Durant des mois, nous discutâmes. Quand nos couples respectifs bâtirent de l'aile parce que pour nos conjoints respectifs, nous étions trop proches, nous nous rapprochâmes encore plus. Jusqu'au jour où...
Paris, mai 2005
Sms de Guillaume :
« Rejoins-moi à la petite crêperie de Montmartre que je t'ai faite découvrir il y a quelques mois. Je t'y attendrai pour 15h00. » Je souris et attrapai le plan du métro sur mon bureau et regardai les lignes que je devais prendre et les stations où je devais m'arrêter. Après avoir mémorisé le trajet, je me dirigeai vers la cuisine.
« Maman, je vais rejoindre Guillaume à Montmartre. » J'embrassai ma mère.
« Ne rentre pas trop tard, mon coeur. » « Ne t'inquiète pas, je serais prudente. » Je pris mon sac et ma veste dans l'entrée et partis pour mon rendez-vous avec mon meilleur ami. Après une demi-heure de métro et un peu de marche, j'arrivai à l'endroit que Guillaume m'avait fait découvrir il y a quelques mois et allai m'asseoir en face de lui. Je commandai et nous nous mîmes à discuter.
« Alors comment ça va avec Violette ? » Son sourire s'effaça et il soupira.
« On a rompu hier. » Je fus surprise. Leur couple était solide, plus solide que le miens qui était parti en vrille il y a quelques semaines et qui nous avait obligé, Pierre et moi, à rompre.
« Je suis désolé. » Je pris la main de mon ami, mais il enleva la sienne de suite. EJ fus d'autant plus surprise.
« C'est à cause de toi en fait. » Il baissa les yeux tandis que je faillis m'étouffer avec la gorgée d'eau que je venais de prendre. J'avalai difficilement.
« A cause de moi ? J’ai rien fait pourtant. Pourquoi ce serait de ma faute si vous êtes plus ensemble ? » J’étais abasourdie.
« Oui, c’est de ta faute parce que...parce que je lui ai dit que...que... » Je le fixai, mais la fin de sa phrase ne venait pas.
« Que ? » « Que je t’aimais. » Il rougit et baissa encore plus les yeux. C’est le moment que choisit le serveur pour nous interrompre dans notre conversation. Il déposa nos assiettes et s’éclipsa après qu’on l’ait remercié.
« Euh...Guillaume, c’est... » Il leva enfin les yeux et plongea son regard dans le miens.
« Absurde, inutile, bête, je sais, mais c’est ce que je ressens et j’en pouvais plus de ne rien te dire et surtout de mentir à Violette. C’est une fille bien et elle mérite quelqu’un qui l’aime. » « Si tu m’avais laissé finir, j’aurais pu te répondre que c’était ce que je ressentais aussi. » Son visage s’illumina. Ce jour restera à jamais graver dans ma mémoire comme l’un des plus beaux jours de ma vie. Ce jour fut le début de deux ans de bonheur, deux ans d’amour, deux années magnifiques et inoubliables.
Paris, février 2007
Blottie dans les bras de Guillaume, je ne lui avais pas encore annoncé la bonne nouvelle. Après deux années de bonheur sans faille, la vie nous offrait un cadeau, une chance inattendue : j’étais enceinte. Je savais qu’on était jeune, mais c’était une chance même si cette grossesse n’était pas prévue. Inspiration. Expiration. J’allais lui dire.
« Mon amour ? » L’homme que j’aimais sourit.
« J’ai quelque chose d’important à te dire. » Je me retournai pour faire face à Guillaume et souris.
« J’ai été chez mon gynécologue aujourd’hui et...je suis enceinte. » Mon regard brillait et mon sourire montait jusqu’à mes oreilles. Face à moi, le visage de mon petit-ami se décomposait. Je ne m’attendais pas à ce qu’il saute de joie parce que, moi-même, je ne l’avais pas fait quand on me l’avait appris, mais je n’attendais sûrement pas la réaction qu’il a eue. Un long silence s’installa et mon air tantôt si joyeux s’effaçait tout doucement pour laisser la place à de l’inquiétude.
« Gui, je suis enceinte. On va avoir un bébé. » Insistant bien sur les derniers mots, il ne daignait pas réagir et le silence se prolongea. Soudain, il ouvrit la bouche.
« Pourtant, on s’était protégé, non ? Comment est-ce que ça a pu arriver ? » Je tombai de haut. Deux ans que nous étions ensemble et le jour où je lui annonce une bonne nouvelle, qui plus est une nouvelle qui n’était pas prévue, il n’arrive qu’à me demander comment ça se fait que je suis enceinte ! Non, mais oh, il y a des limites !
« Ca...Ca...Tu n’es pas content ? Je veux dire qu’on s’est protégé, mais c’est un accident, un bel accident, non ? » « Josy ! Je ne sais pas ! Je...Tu...Tu te sens prête à le garder ? Je veux dire qu’il existe des moyens pour... » Je n’en croyais pas mes oreilles, ça ne pouvait être vrai. Réveillez-moi ! J’étais sonnée comme si on venait de me donner un coup de poing. Il voulait que je me fasse avorter. D’un bon, je me levai et attrapai mes affaires.
« Josy, attends ! » « Non, il n’y a pas de « Josy, attends » qui tiennent ! Tu viens de me faire comprendre que tu voulais que je tue notre enfant, mais ça ne va pas dans ta tête ! Jamais je ne ferais une chose pareille ! Et oui, je suis prête à élever ce bébé avec ou sans toi ! » Je partis en claquant la porte, ce fut la dernière fois que je vis Guillaume.
Carnac, octobre 2007
Inspiration. Expiration. Contraction. Cri de douleur. Voilà mon quotidien depuis plus de trois heures. J'avais perdu les eaux au milieu du magasin et c'est grâce à la cliente présente à ce moment-là que j'ai la chance d'être à l'hôpital. Depuis l'annonce de ma grossesse, j'avais fait le ménage dans ma vie. D'abord, j'avais quitté Paris après l'avoir dit à ma mère et à Jean-Baptiste. Ce dernier avait d'ailleurs décidé de m'accompagner. Nous avons d'abord loué un appartement et puis, j'avais décidé de reprendre mon ancien job : fleuriste. A Paris, je travaillais pour dans un petit magasin du centre-ville. Pour cette raison, nous avions acheté une petite maison et j'avais pu y installer mon magasin après deux mois de travaux. J'avais donc travaillé jusqu'à la fin de ma grossesse. Aujourd'hui, j'étais dans cette salle d'accouchement à souffrir le martyr pour que ce petit bonhomme, parce que c'était un garçon, veuille bien sortir de mon ventre.
« Je vois la tête ! », s'écria soudain le médecin.
« Poussez encore un peu, mademoiselle, et vous aurez un beau bébé. » Un dernier effort et...
« Félicitations, c'est un garçon. » La délivrance. J'avais enfin éjecté le morpion et j'étais maman. Après la déception que j'avais connue, je pouvais enfin sourire à la vie. L'infirmière me posa mon fils dans les bras.
« Bonjour toi. Comment tu vas, mon chéri ? » Des larmes de joie se mêlèrent à la transpiration qui coulaient sur mon visage. Il me regarda. Je souris.
« Tu es le plus bel homme du monde, Sacha De Montlau. » Mon frère entra à ce moment-là avec la caméra.
« Les premières minutes de mon neveu préféré. » J'eus un léger rire.
« Tu n'en as qu'un, JB donc normal que ce soit ton préféré. » Je baissai les yeux vers mon fils.
« Dis bonjour à tonton et à la caméra, Sacha. » Je pris sa petite main et la fit faire coucou.